Discours de

Philippe Reiryu Coupey

prononcé devant la très grande sangha sôtô

au temple de La Gendronnière en 2017

« Notre enseignement c’est de trouver, pour chacun de nous, notre propre autonomie, dans le dojo comme dans la vie quotidienne...

L’organisation de la sangha favorise et reflète cette autonomie des pratiquants. C’est grâce à l’autonomie que la séparation entre le pratiquant et la structure disparaît...

 »

Photo : Ancien monastère d’Ommerborn situé à 40km de Cologne (zen-road.org).

La juste distance aux institutions

J’ai créé, avec mes disciples, la Sangha Sans Demeure en 2001. Je les encourage à diriger des sesshins et des camps d’été, et la sangha les soutient. Sur 300 pratiquants, 40 dirigent des sesshins en Allemagne, en Suisse et en France. Et ça, en dehors de toute influence du clergé japonais.

Nous n’avons pas de temple et ne voulons pas en avoir. Nous ne cherchons pas le certificat de la transmission (le shiho) officialisé par les autorités japonaises. Je transmets pourtant des shiho non-officialisés par le Japon, mais tout de même enregistrés chez un notaire.

En 2006, j’ai soutenu, et je soutiens toujours, l’autonomie du Dojo Zen de Paris. À la suite de quoi j’ai été interdit pendant huit ans de diriger des camps d’été à La Gendronnière ; j’ai compris et accepté cette sanction.

J’ai reçu le shiho de Kishigami en 2008, disciple direct de Kodo Sawaki, malgré l’opposition exprimée de certains... Maître Kishigami était interdit de séjour à La Gendronnière..., après quoi je l’ai fait venir quand même.

À la lumière de ces divergences, la question se pose : qu’est que le maître attendait de nous ?

Sensei a dit a la fin de sa vie :
« Je vous ai apporté la graine du zen ; à vous de la développer. »

À la mort d'Étienne Zeisler sont apparues deux tendances opposées.

Les uns sont allés vers la tutelle ecclésiastique japonaise. Les autres sont allés vers une autonomie religieuse.

Une tutelle, comme celle des chinois sur les japonais après la mort de Dôgen, comme aux États-Unis après la mort de Suzuki, a toujours existé. Une tutelle ecclésiastique vous impose une autorité extérieure et en échange vous protège dans votre pratique, vous attribue des titres et met votre mission en valeur.

Mais dans l’autonomie religieuse, la tutelle ne peut pas exister.

L’autonomie c’est l’indépendance de décider pour soi-même par soi-même. Celle de diriger librement sa propre sangha — dans notre cas vivre avec une hiérarchie minimale et interne à la sangha.

Ce n'est pas une vision que j’ai choisie plutôt qu’une autre. Si on se connaît profondément, on ne choisit pas, on sait. On est, c’est tout. Ainsi il ne devrait pas y avoir de conflits et de confrontations. Parce que l’autre, en face, n’a pas choisi non plus. On peut rester chacun sur sa position sans aucun problème.

Dans la Sangha Sans Demeure notre enseignement c’est de trouver, pour chacun de nous, notre propre autonomie, dans le dojo comme dans la vie quotidienne... L’organisation de la sangha favorise et reflète cette autonomie des pratiquants. C’est grâce à l’autonomie que la séparation entre le pratiquant et la structure disparaît...

Nous nous sommes inscrits dans le réseau Zen Simple Assise, pas pour nous trouver sous tutelle, mais pour nous coordonner entre sanghas autonomes.

Mon vœu pour notre association, l’AZI, est que les visions différentes puissent coexister.

J’espère qu’avec cette Commémoration nous pourrons fonctionner avec plus de cohésion ; et j'espère que le Conseil Spirituel de l’AZI accueillera des représentants de visions autres que celles placées sous l’œil du Japon.